Agriculture urbaine, rurale : Qui nourrira nos villes ?

Qui nourrira nos villes de demain ?

Depuis la révolution industrielle au XIIIe siècle et le premier exode rural qui en a résulté, la population urbaine ne cesse d’augmenter. Selon une étude de l’ONU (mai 2018), d’ici 2050, 68% de la population mondiale vivra dans des villes contre 55% aujourd’hui.  

En Belgique, ce seuil est déjà dépassé puisqu’on considère que 98% de la population est domiciliée dans des villes ou villages d’au moins 1000 habitants. 

Il est donc devenu essentiel de réfléchir à l’avenir de l’agriculture dans cet environnement de plus en plus urbanisé. 

Souvent perçue par les agriculteurs « traditionnels » comme un épiphénomène sorti de l’imagination fertile des « bobos » ou comme un concurrent de leurs exploitations, l’agriculture urbaine est soit diabolisée, soit méprisée dans nos campagnes. 

Et si, plutôt que d’en faire un ennemi, nous apprenions à mieux la connaître pour qu’elle devienne un allié ?

Qu’est-ce que l’agriculture urbaine ? 

La FAO définit l’agriculture urbaine et périurbaine comme le phénomène qui consiste à cultiver des plantes et élever des animaux à l’intérieur ou aux alentours des villes

Fermes de ville, potagers collectifs, cultures sur les toits, vergers dans les parcs entrent donc dans cette catégorie mais aussi tout type d’agriculture proche des villes et destinées à les nourrir.

Ce type d’agriculture représentait plus d’ 1/7 des produits agricoles consommés mondialement en 1990, en 2005 elle était passée à environ 1/4 (chiffres PNUD). 

L’agriculture urbaine et périurbaine, un modèle diversifié 

L’agriculture urbaine et périurbaine est diverse par ses productions : 

  • Maraîchage 
  • Petit élevage et élevage bovin laitier 
  • Arbres fruitiers 
  • Moins souvent, production céréalière comme à Wittenheim en Alsace où un quartier entoure un champ de céréales de 90 ha 
  • Toutes les formes de productions de services liées à l’agriculture : gîtes, fermes pédagogiques, etc. 

L’agriculture urbaine et périurbaine est diverse par ses objectifs : 

  • Sociaux pour les nombreuses initiatives de jardins partagés 
  • Aménagement du territoire, architecture pour les nouveaux projets immobiliers qui intègrent une production agricole en serre ou en pleine terre 
  • Agricoles quand des familles d’agriculteurs décident de faire de leur proximité avec un noyau d’habitats une opportunité de mieux valoriser leurs produits voire d’en développer de nouveaux 

L’agriculture urbaine encouragée par les pouvoirs publics

Toutes les organisations ayant pour objectif la lutte contre la faim dans le monde (FAO,…) ou l’amélioration du bilan environnemental de notre planète, considèrent l’agriculture urbaine comme un phénomène permettant de répondre, du moins partiellement, à leurs impératifs. C’est pourquoi, elle est de plus en plus plébiscitée par nos pouvoirs publics. 

Par exemple à Bruxelles, le projet « Good Food » vise à atteindre un objectif de 30 % de production locale pour les fruits et légumes à Bruxelles d’ici 2035. 

En Wallonie, ce sont plus de 10 projets de quartiers nouveaux intégrant des initiatives d’agriculture urbaine qui sont soutenus. Le projet du site d’Anton à Andenne est particulièrement intéressant car il s’est fixé pour objectif d’inciter des agriculteurs locaux à développer des projets sur le site et ainsi de s’ouvrir de nouvelles perspectives en matière de contact avec les consommateurs/citoyens. 

Tous agriculteurs urbains ou périurbains ?

Si 98 % de la population belge est déjà urbaine, on devrait considérer que, dans la mesure où elles visent un approvisionnement d’un marché local, une grande partie des exploitations agricoles belges sont urbaines ou périurbaines. La majorité de nos agriculteurs traditionnels seraient donc des agriculteurs urbains ou périurbains qui s’ignorent…

Reste ceux qui interagissent avec les marchés mondiaux. Ceux-là ne vivent souvent l’interaction avec les marchés urbains qu’en terme de contrainte (cohabitation agriculture/habitants). Les seuls grands perdants seraient donc les produits standardisés et mondialisés. Les entreprises qui les produisent vont donc devoir s’adapter et trouver des réponses aux nouvelles attentes des consommateurs. Ces réponses devront nécessairement passer par une relation complètement revue et beaucoup plus équilibrée avec les producteurs agricoles. 

Les avantages de l’agriculture urbaine pour notre agriculture rurale traditionnelle

Les agriculteurs ruraux ont un savoir-faire agronomique que n’ont généralement pas les promoteurs des projets d’agriculture urbaine. Une collaboration entre les deux parties permet de rendre les projets urbains plus rentables et plus crédibles. Ceci constitue une belle opportunité de revenus complémentaires pour nos agriculteurs qui peuvent ainsi diversifier leurs activités en devenant consultants.

De nombreuses initiatives, soutenues par les pouvoirs publics wallons visent déjà à mettre les agriculteurs et les consommateurs urbains en contact : 

  • Le plan stratégique Bio qui vise à atteindre 2000 exploitations Bio en 2020 
  • L’aménagement de 27 halls relais 
  • Le soutien aux agriculteurs qui créent des coopératives de transformation ou de commercialisation 
  • Diversiferm ASBL qui soutient les agriculteurs dans leurs démarches de circuits courts. 

De plus, en aidant la campagne à entrer dans les villes, on rapproche les citadins de la terre qui les nourrit. Jardins partagés, serres sur les toits des immeubles sont autant de projets qui favorisent la conscientisation de la population urbaine à l’importance de la qualité alimentaire pour sa santé. 

Cette prise de conscience est tout à l’avantage de nos agriculteurs traditionnels qui peuvent ainsi déployer leurs produits de terroirs en terrain conquis et profiter ainsi de l’important pouvoir d’achat qui s’y trouve. L’agriculture en ville devient un véritable outil marketing au service de notre agriculture traditionnelle. 

Dialoguer (à Libramont) pour que chacun trouve sa place

A Libramont, nous sommes persuadés que l’avenir de l’agriculture passe par un dialogue entre les agriculteurs qu’ils soient ruraux ou urbains et les consommateurs, chacun prenant en compte les attentes et les contraintes de l’autre. 

Le succès d’un film comme « Demain » (2015) montre que l’agriculture urbaine recueille une grande empathie de la part des populations urbaines. 

Au lieu de caricaturer les attentes d’une partie croissante de la population vivant en ville, nous proposons au monde agricole de s’interroger sur celles-ci pour qu’émergent des solutions profitables à tous.

C’est en poursuivant nos efforts communs en termes de qualité des produits, de production locale et de transparence sur les modes de production que nous gagnerons en contrepartie : une rémunération équitable, beaucoup de reconnaissance et une image redorée de nos si précieux métiers.